Octobre 2010,Nous étions perdus, peut-être pas anéantis mais bien perdus. Nous cherchions une nouvelle solution, une nouvelle
possibilité de rebondir pour Brieuc. J'ai mis beaucoup du temps à vous divulguer cette période douloureuse de notre vie, dans cet historique familial mais je le crois nécessaire car
notre cas est loin d'être unique encore aujourd'hui.
Les 3I, avaient fait ce qu'ils pouvaient et si, au départ, cela avait été formidable, les gestes « agressifs »,
malgré le Risperdal(neuroleptique très couramment prescrit) ajouté au bout de un an et demi de cette méthode,pris par notre petit garçon (sensé le calmer)devenaient régulièrement
présents, bien trop .
Ainsi par exemple, je me retrouvais systématiquement à l'arrière de la voiture avec lui, pour protéger Héloïse et
conducteur ; Par ailleurs, il supportait très difficilement toute frustration. Le neuroleptique le faisait dormir mais par contre, parmi ses effets secondaires, il devait
aller uriner beaucoup plus souvent et il avait de plus en plus faim.
Nous partions quand même à l'extérieur, ainsi nous sommes parvenus à ce moment, à acquérir notre caravane et à
partir visiter différents lieux dans la région proche. Néanmoins, les moments où il fallait essayer de stopper un mauvais geste vif, prêt à faire mal, sans l'avoir vu venir,
prémices de crises plus importantes en général, n'étaient pas rares.
Je ne savais plus quoi faire pour protéger les bénévoles, pour me protéger, moi et tout l'entourage! Il fallait porter des
vêtements plus couvrants qu'il parvenait à déchirer ou à trouer, les cheveux longs systématiquement attachés, faire attention aux bijoux...J'avais à la fois honte et révolte en moi.
Il fallait continuer à avoir une vie sociale pour nous et notre Héloïse, ils y avaient des moments formidables, des belles
petites victoires mais c'était aussi parfois très très compliqué.
Comment cela pouvait-il être possible ? Pourquoi une telle montée de violence ? Comment s'en sortir ? Avec les
crises répétées, j'avais du mal parfois à ne pas pleurer. Mon chéri me disait qu'il serait toujours comme ça, que cette agressivité serait en lui toute sa vie.... et il n'était pas le seul à le
penser. Je refusais de voir les choses comme ça, mon fils ne le faisait pas par plaisir mais pour d'autres motifs qui nous échappaient.
Rien ne se résolvait, au contraire, cela empirait, nous nous sentions faibles, fatalistes, nuls et très seuls aussi dans
cette détresse. Nous savions des choses sur l'autisme et en même temps nous avions l'impression de ne rien savoir.
Je demandais conseil aux membres de la méthode qui essayaient de nous aider maladroitement. En fait, ils ne semblaient pas
très bien réaliser l'importance de ce qui devenait très envahissant au quotidien. Au bout du compte, soit ils nous culpabilisaient gentiment(« vous n'appliquez peut-être pas assez bien la
méthode, faites ce que nous vous conseillons ») soit finissaient par un peu avouer qu'ils étaient désarmés lorsque ce genre de vrais problèmes de comportements surgissent.
A mes yeux, Brieuc devenait un vrai tyran, un dictateur en puissance, incontrôlable plusieurs fois par jour, les portes
devenaient mes amies pour me réfugier derrière elles, c'était vraiment dramatique. Pour nous et encore plus pour lui qui finissait en larmes lui aussi, après chaque crise, c'était bien lui, la
première victime.
Alors, à nouveau, la sempiternelle question se posait:vers qui chercher encore de l'aide en dehors de « Mme
Risperdone « ? Quels professionnels ? Quid dans la région ici dans ce coin de Bretagne ?
Quand je pense aux autres parents, qui se retrouvent dans la même impasse...avec l'internement en hôpital psychiatrique comme
seule solution avec toutes les conséquences..J'en suis malade. Obligés de maltraiter nos enfants d'une façon indigne et d'un autre temps, parce que nous n'avons aucune alternative,
aucun professionnel sur le terrain, formé ou accessible.
Le documentaire très personnel de Sandrine Bonnaire « Elle s'appelle Sabine » sur sa sœur autiste, illustre bien le "non dit" actuel sur ce type de prise en charge catastrophique dont personne ne rêve, mais qui pourtant, se
perpétue encore et encore comme une fatalité, un cauchemar ambulant; il y a aussi « Solutions d'Espoir » de Romain
Carciofo, un autre documentaire que tous devraient pouvoir visionner, tant il tire le portrait véridique d'une situation intenable pour les autistes adultes et aussi des pistes
positives avec des professionnels admirables, pleins d'humanité.
Nous n'avons ici aucun centre « expérimental »ABA (adjectif très franco- français, ailleurs, cela fait
longtemps que cela n'est plus expérimental)mais par contre une UMD pas très loin d'ici à quelques kilomètres par contre...qui accueillent de façon très....musclée, une population....musclée
aussi, en y mélangeant allègrement handicapés avec dangereux criminels....pas très cool, vraiment, on ne risque pas d' envier le personnel et les résidents !
En même temps c'est très difficile en tant que parents de reconnaître que nous sommes en échec. Oser confier que notre enfant
nous agresse, pas mal de parents n'en parlent pas du tout: c'est une belle perche pour tous les préjugés faciles de beaucoup d'entre nous, encore plus, sans y connaître quoique ce soit
au handicap : « Ils l'ont mal élevé, ils le battent,ils sont faibles, c'est du caprice, c'est parce que cet enfant est à domicile, c'est sa relation trop fusionnelle avec sa
mère... »On a vite fait de nous tailler un costard !
Et pourtant quand on fait l'état des lieux ici dans notre département,avec un autiste qui a des troubles plutôt
agressifs et qui est quasiment non verbal(souvent les deux sont en lien...), ce n'est vraiment pas brillant pour essayer de chercher l'aide de professionnels:-(((( Les conséquences de ces mauvais
comportements sont dévastatrices et ferment toutes les portes.
-rejeté du système scolaire, aucun soutien ou aide à l'époque, en gros « débrouillez vous et sinon
mettez-le dans un centre ! »
-pas de SESSAD TED dans le département ; un projet d'une asso d'usagers concernant l'autisme validé
autrefois, laissé pour mort, faute de budget accordé....finalement distribué sur un autre département pour un autre projet pour les autistes(comme si les deux ensemble n'étaient pas valables et
aussi importants, vus les manques !)
-Hôpital de jour ? Non merci, on a déjà testé pendant 4 ans et demi... ! Voilà où en est notre
fils maintenant, alors qu'il y est allé tout petit quand c'était le meilleur moment pour l'aider dans ses apprentissages pour l'aider à devenir autonome et communiquant.....Au final , un certain
nombre de bêtises entendues(Ah!!!L'émergence du désir!....Impression soleil levant!!!!Avec sa pataugeoire!!!!)et d'énergies perdues pour rien, dans des rendez-vous stériles. Je ne sais pas
pourquoi mais cela ne nous enthousiasmait pas trop de l'y remettre...LOL !
-IME ? Il agresse, ils vont faire quoi ?Cela dépend incidemment du psychiatre et du psychologue
rattachés à la structure. Augmenter son dosage(monnaie courante dans le secteur) ?Aucune section spécialisée pour les autistes à l'époque dans notre département pour le prendre si
jeune.(Maintenant il en existe une pour...4 enfants environ ...jusqu'à 14 ans....waouh...quel progrès !Et après ? On en fait quoi ? Ils ne sont plus autistes ?)
-Orthophonie : il en a eu trois de différents profils.....sans succès => il agresse et aucun
d'eux n'étaient formés au PECS, MAKATON, encore moins ABA !
-Ergothérapeute, ben....il y en a très peu ici..en libéral, une peau de chagrin avec grosse liste
d'attente.
-Psychomotricien :....pardon mais je ne résiste pas à vous rapporter ce témoignage, il y en a une
fortiche du secteur sanitaire pas très loin d'ici, qui avait tellement peur d'un autre enfant autiste(pourtant bien moins ...attaquant) qu'un jour, elle l'a rendu très vite au
taxi....Du style : « Tenez! Récupérez-le de suite ! Moi je ne peux pas m'en occuper » Si, si! Véridique...que ne ferait-on pas sans nos taxis ! Au moins cela avait le
mérite d'être clair!
De toute façon, honnêtement,Brieuc était tellement mal, que je n'imaginais même pas envisager ce type de
professionnel, tant il fallait travailler sur le comportement.
-J'ajoute que pour les loisirs, c'était un enfant rejeté par tous...forcément, inévitablement et en bas de
la liste d'attente et on ne me rappelait jamais.
-Un psychologue spécialisé, oui c'était bien prioritaire, mais qui ? Pauline à Nantes, certes était non
seulement spécialisée, diplômée ABA dynamique et régénérante mais je ne me voyais pas faire 2h30 de trajet pour y aller et 2h30 pour le retour chaque mois avec un suivi aussi lointain, en plus du
fait que Brieuc agressait en voiture, que je me sentais « pompée », que j'avais l'impression de ne pas réussir à mettre la tête hors de l'eau...
Il nous fallait une personne compétente qui puisse observer son comportement, comment cela se passait à la maison, en
situation sur le terrain, même si cela allait être forcément humiliant,je savais bien que nous n'avions pas les bons comportements nous aussi.Nous avions besoin de « guidance
parentale » !
Les assos faisaient ce qu'elles pouvaient mais forcément de loin.Oui une petite bouée de
sauvetage à laquelle j'essayais de m'accrocher tant bien que mal avec l'esprit de survie parce qu'à la maison c'était parfois infernal avec le sentiment que personne ne pouvait vraiment
comprendre sans l'avoir vécu intimement mais qu'il fallait rester à tout prix informé sur les avancées de ce handicap, ce que d'autres personnes et parents pouvaient réussir à entreprendre pour
(et avec) des autistes.
Mes copines, mamans d'enfants autistes(ou pas), les bénévoles, ma belle-mère, mon chéri, ma petite chérie, essayaient d'aider
moralement quand j'en parlais .
D'autres compatissants, me prenaient en pitié(brrr, pardon, je sais que c'était peut-être incontournable et que cela part
d'un bon sentiment, mais j'ai horreur de la pitié!!!!Nous disposons parallèlement de tant de biens matériels , l'eau courante, l'électricité, de l'amour, des amis...je ne suis vraiment pas à
plaindre),ne cessaient de me dire « Ma pauvre !(ne me dites jamais ça svp!)Tu ne peux pas tenir comme ça, il faut le mettre dans un centre !Mais enfin il en existe bien
un ! »comme si d'un coup de baguette magique, cette seule solution, allait résoudre tous les problèmes du quotidien...Oui, il y a des institutions, mais surtout qu'il n'y avait
absolument rien d'adapté pour lui dans le secteur proche pour le prendre en charge sans avoir recours en priorité aux médicaments notamment et mon reproche c'est bien cette
priorité alors que même si cela peut aider, cela ne doit pas être la seule solution...
C'est incroyable, c'est assourdissant mais c'était pourtant vrai ! En fait, personne ne savait quoi faire avec notre
enfant autiste, si peu verbal et parfois très agressif....
Donc, comme le bateau coulait, j'en ai eu plus que marre, j'ai décidé de recommencer à essayer de"contrer la
fatalité"-cela fait très théâtral comme ça mais n'empêche que c'était vrai-de me battre pour que mon loulou ne devienne pas dans un sombre avenir,un être bavant, terrassé par un shoot massif, la
fameuse camisole chimique.
Puisqu'il ne fallait ne compter que sur nous-mêmes, je suis partie à la « pêche » aux solutions, pas aux
impasses; même si cela allait être déstabilisant, on ne pouvait plus faire l'autruche en se mettant la tête dans le trou... Il fallait du changement, en espérant ne pas se
planter . Il y a toujours un risque mais qu'avions-nous à perdre?
Direction une science du comportement l'ABA (VB) , un vrai challenge sur ce territoire breton et pour notre
famille!